lundi 2 mai 2011

Sur le pont.



Elle était là. Fragile. Debout sur le rebord qui prévenait de la présence du fleuve, elle marchait pieds nus. Elle regardait la Seine, en contre-bas, mais ses cheveux emmêlés par le vent n'avaient de cesse de la gêner dans son observation minutieuse des mouvements de l'eau sale. Sa main gauche tenait une paire d'espadrilles espagnoles, qu'elle avait acheté l'été dernier. Elle suivait le cours de la rambarde, ainsi que celui de l'eau. Un sourire s'esquissa sur son visage lorsqu'une brise lui tint les cheveux en arrière. Elle continuait de marcher, lentement, profitant de chaque instant où le soleil s'imprégnait sur sa peau claire. Elle souriait pleinement, à présent. Résolue. Elle posait un pied après l'autre, presque en sautillant, à la manière dont une danseuse de ballet classique entre sur scène, sur la pointe des pieds. L'application éxagérée de chacun de ses pas semblait l'amuser. Elle releva la tête et aperçut le pont. Son pont. Leur pont. Elle se souvint de chacune des occasions où ils s'y étaient rendus, ensemble. Elle souriait. Elle n'était ni triste, ni en colère. Elle était sereine. Comme elle ne l'avait jamais été, d'ailleurs. Elle augmenta la taille de ses soubresauts ainsi que leur vitesse. On aurait dit qu'elle n'avait mis qu'un instant à arriver jusqu'à ce lieu qu'elle chérissait tant. Le pont. Leur pont. Elle marcha jusqu'au tiers de celui-ci, à l'endroit où, sur la rambarde, était gravé un message qu'elle savait être la seule à pouvoir déchiffrer. Elle se hissa sur le rebord et s'assit, les pieds se balançant dans le vide. Elle regardait loin, l'horizon, peut-être. Mais on voyait dans son regard qu'elle n'était d'ores et déjà plus parmi nous. Elle sorti un feutre qu'elle avait pris soin de mettre dans sa poche avant de sortir de chez elle, griffonna quelque-chose sur le rebord. Elle ferma les yeux, une dizaine de secondes. Et lorsqu'elle les rouvrit, un sourire des plus éclatants illuminait son visage. Avant même que n'importe quel passant eu le temps de réaliser ce qu'il se passait, elle s'était lâchée dans le vide. Ce n'est que le bruit du choc entre son corps fragile et l'eau froide de la Seine, que les gens accoururent, en panique. Elle ne fût pas sauvée. Et c'était son souhait le plus cher. Sur la rambarde, on pouvait lire un tas d'inscriptions et de tags, mais à l'endroit où elle s'était laissée tomber, on peut toujours lire: « L'inconnu avec toi, c'est quand même plus marrant que la vie toute seule ».

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